Bonnes pratiques SDIS26

Vous avez dit « en mode Pompier ? »
21 mars 2024
Slow management
Le slow management
25 mars 2024
Vous avez dit « en mode Pompier ? »
21 mars 2024
Slow management
Le slow management
25 mars 2024

Vive le mode Pompier !

CSP Valence

Il était cocasse de m’apercevoir que l’expression « en mode Pompier » très souvent utilisée en entreprise n’est pas connue des Sapeurs-Pompiers !

Quels process et fonctionnements de management et de gestion des émotions sont utilisés en intervention et ont prouvé leur efficacité ? Comment gérer les temps d’urgence et les temps en amont et en aval ?


Ainsi questionner d’un peu plus près le syndrome du « mode Pompier » qui décrit en entreprise l’agitation inefficace, la gestion de l’urgence court terme au détriment de l’important moyen et long terme. Expression empruntant leur nom et stigmatisant un monde où les temps d’urgence ne sont, précisément, pas subis.

Cet article est écrit conjointement avec le SDIS (Service départemental d’incendie et de secours) de la Drôme. Etant SPV (Sapeur-Pompier Volontaire) au Centre de Valence, j’ai sollicité mes collègues en caserne, en commandement et au CTA (Centre de Traitement de l’Alerte, réception des appels 18 et 112) – CODIS (Centre Opérationnel Départemental d’Incendie et de Secours) pour recueillir leur vision et explorer nos bonnes pratiques.

La première étape sera donc une phase d’observation et de prise d’informations. Chez les SP, « l’effet tunnel » est un risque bien connu. Dans l’urgence, il peut arriver de ne plus voir les informations de notre champ de vision périphérique. Nous avons des techniques pour revenir au calme et à la prise de recul nécessaire, tel que poser un genou au sol en incendie nous obligeant à un moment d’immobilisme ou de prendre un contact physique (main sur l’épaule, devant le visage) avec un collègue qu’il faudrait amener à un temps de recul.

Ne pas se fier aux apparences. Les SP savent, par exemple, qu’entre le ticket de départ (ordre de mission qui déclenche le bip) et la réalité du terrain, il peut souvent y avoir un gros écart.

Dans ces moments, plus que jamais, il faut que la communication puisse être claire et libre. Liberté de demander des précisions ou confirmations sans besoin de mettre les formes.

Les modèles d’activité les plus utilisés pour cela chez les SP sont la boucle OADA (Observer, Analyser, Décider, Agir) et la BGED (boucle de gestion des environnements dynamiques). Elles sont présentées ci-dessous.

Boucle OADA
BGED adaptée – ENSOSP 2011 (École Nationale Supérieure des Officiers de Sapeurs-Pompiers)
Incendie de Romeyer (26) été 2022.
                                                                                                                      Prise en compte de la situation PUIS action

Incendie de Romeyer (26) été 2022.
Prise en compte de la situation PUIS action

Quand on entre réellement dans l’urgence, il n’y a plus la place pour la sollicitation de l’avis de chacun. Il faut un leader/responsable qui tranche et prononce les ordres pour lancer l’action corrective rapidement. On passe sur un mode de communication plus vertical et directif.

Il s’agit de faire un choix de stratégie et de décision rapide. Pour cela les SP ont des doctrines, référentiels et process. Chez nous, les fonctions et les grades donnent la responsabilité. En entreprise, l’expérience et les rôles laisseront, intuitivement, cette place de décision.

Voici un exemple de fonctionnement sur une intervention d’ampleur. Les informations suivantes seront notées par écrit par le chef de colonne pour être transmise aux niveaux de commandement inférieurs :

Visite du préfet de la Drôme, Thierry DEVIMEUX au plateau CTA-CODIS dans le cadre de la préparation opérationnelle conjointe préfecture / SDIS de la Drôme. Nous sommes dans l’anticipation des procédures en cas de crise.
Visite du préfet de la Drôme, Thierry DEVIMEUX au plateau CTA-CODIS dans le cadre de la préparation opérationnelle conjointe préfecture / SDIS de la Drôme. Nous sommes dans l’anticipation des procédures en cas de crise.

On peut rester sur un mode de communication plus horizontal dans l’écoute et l’accompagnement.

  • Je ne donne d’ordre qu’à 4 personnes maximum
  • Je vérifie leur application
  • Je ne rends compte qu’à 1 personne

On peut diriger une intervention d’ampleur massive avec ce fonctionnement.

Schéma de montée en puissance d’une opération prenant de l’ampleur.

Chez les SP aussi, même si les procédures sont les mêmes pour tous, il y a une part de variabilité d’application en fonction de chacun pour un résultat identique. C’est la réalité du quotidien qui demande toujours une boucle d’adaptation continuelle PDCA (Plan/Do/Check/Act).

De retour en caserne ou en fin d’intervention ou lors des points hiérarchiques, la réussite collective est valorisée au travers du travail de chacun (mise en avant des actions collectives et individuelles) pour renforcer la confiance des équipes et aussi resserrer les liens.

C’est aussi après intervention que les recadrages auront lieu lorsque nécessaire. Le but sera d’amener la personne à identifier ses marges d’amélioration en rappelant les faits et en cherchant à comprendre ce qui a posé problème et doit être amélioré.

Bien sûr, chacun aura une sensibilité différente (par exemple par rapport à une victime en bas âge, une intervention en hauteur, un incendie, une détresse psychologique…), nous avons tous nos talents, nos talons et sensibilités propres. A chacun de se connaitre autant que possible…

En tout état de cause, ce qui ressort unanimement est de rester focalisé sur l’action en situation de tension émotionnelle. Regarder le petit pas suivant qui peut être fait en se raccrochant au process approprié. Le risque serait de reste en recul et prendre le temps de réfléchir à l’ampleur du sinistre, de ses conséquences et de rester en sidération.

Dans ces cas, il est d’autant plus important de ne pas négliger la phase d’après, de décompression. Nous pouvons pour cela nous appuyer sur le collectif et sur un soutien psychologique post-opération qui est déclenchable sur simple demande du SP, de son chef lors de l’intervention ou de tout autre hiérarchique.

Même chez les Sapeurs-Pompiers, cette notion de prise de risque a évolué puisque la devise « Sauver ou périr » est devenue « Courage et dévouement » tout aussi emprunte de valeurs morales mais plus mesurée dans la prise de risques.

Les Sapeurs-Pompiers intègrent dans leur quotidien opérationnel, des entrainements physiques, techniques et tactiques. Nous appelons cela FMPA (Formation de Maintien et de Perfectionnement des Acquis) ou manœuvres ou tout simplement les échanges informels que nous pouvons avoir autour d’un café sur le déroulé d’une intervention. Tout cela contribue à anticiper, se projeter (visualisation, préparation mentale) et répéter des comportements et gestes qu’il faudra effectuer rapidement, quasi machinalement (actions réflexe) en situation de crise.

Les répétitions de gestes sont également le meilleur moyen d’entrainer notre reflexe reptilien car en situation d’urgence, il n’y aura pas la place pour la réflexion poussée. Et cela permettra également de mieux gérer nos émotions sur le moment.

Minimiser les risques inerrants au métier implique également une hygiène de vie guidée par un entretien physique, mentale et émotionnel de chacun.

L’importance de la cohésion et du plaisir de travailler en équipe.

Même dans ces situations de crise et ces difficultés doivent toujours rester les valeurs qui nous rassemble.

Voici ce qui est ressorti dans le commandement chez nous :

  • Transparence
  • Sincérité
  • Coordination
  • Bienveillance

En conclusion, nous nous apercevons qu’il y a beaucoup de parallèles possibles entre le fonctionnement d’un service de secours et celui d’une entreprise.

La différence majeure vient du fait que les SP sont naturellement confrontés à l’urgence alors qu’en management, le but est de minimiser ces urgences.

Au global, les process sont proches.

N’oublions pas que ce « mode Pompier » si subit trop souvent est épuisant. Il s’agit d’un symptôme qui doit nous alerter sur un angle mort, une éventuelle défaillance ou un process non rodé.
Gardons le calme de gérer les problèmes immédiats et la lucidité de stabiliser les fonctionnements pour la suite. Préparons-nous au mieux et enfin, acceptons une part d’imprévu.


Pour aller plus loin :


Télécharger l’article en PDF


Selma BENHAMOU : consultante et formatrice en Qualité, Sécurité et Environnement et en certification de produits.

Après plusieurs années de travail en industrie dans les domaines QSE et certification, un licenciement économique m’a permis de me lancer à mon compte pour accompagner les petites et moyennes entreprises du tissu économique locale à se mettre en conformité mais surtout à y trouver un intérêt pas uniquement financier mais aussi humain, social et sociétal.

J’accompagne et je forme aujourd’hui dans ces domaines qui me tiennent à cœur avec écoute et bienveillance.

Copyright 
Les textes sont la propriété de Com-Hom
Crédit photographique : Com-Hom, Adobe Stock, Pixabay, Burst-shopify, Fotomelia, Wikipédia