1% meilleur que la veille

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Interview de Laurent PELLEGRIN

« Quand on est chef, on fait beaucoup d’essais et d’erreurs. Et il faut continuer. Toujours chercher à être 1% meilleur que la veille. Être meilleur que soi la veille, que son équipe soit meilleure de 1% que la veille, que son organisation soit meilleure que la veille… 

Notre rôle : être celui qui questionne l’organisation pour qu’elle soit meilleure, pas celui qui a toutes les réponses car ça finit, dans une certaine mesure, par l’appauvrir. »

Laurent et moi nous sommes rencontrés lors d’une expérience dans le désert marocain en fin d’année 2022. Un petit groupe s’est retrouvé pour un pèlerinage dans l’immensité de cet environnement guidés par les Berbères et dans notre immensité intérieure guidés par les ressentis et échanges.
De belles discussions et émulsions se sont créées. Des mondes qui se rencontrent, s’apprivoisent, se questionnent.

Il a accepté de se livrer à une interview pour enrichir notre newsletter de ce début avril.

Selma : Bonjour Laurent. Pour commencer, pourrais-tu te présenter à nos lecteurs, quel est ton parcours et qui es-tu aujourd’hui ?

Laurent : Bonjour à toutes et à tous. En bref, je suis un homme qui essaye de créer des ponts entre les mondes. Grand lecteur, tenté par l’écriture j’aime profondément enseigner et rendre les choses possibles. Saint-cyrien, ancien officier de gendarmerie, haut fonctionnaire (corps préfectoral) passé par l’ENA, je suis aujourd’hui directeur pour la France d’IDEMIA PSI, une entreprise leader mondial dans le domaine de l’identité et de la biométrie. Donc un théoricien et un praticien du management et du leadership depuis plus de 30 ans.

Selma : Notre dernier édito abordait les « stratégies absurdes » ou les fonctionnements que l’on peut parfois mettre en place de bon cœur alors qu’ils aboutissent au résultat inverse. As-tu été confronté à ce fonctionnement dans ta carrière et dans quel cadre ?

Laurent : Je ne vais pas parler d’un moment en particulier mais plutôt d’une tendance de fond. Une organisation, ce sont des structures, une culture et des interstices. Les interstices ce sont les relations, les liens créés, l’huile dans les rouages, tout ce qu’il y a dans les « inter-relations », l’« inter-personnel ». Ce qui est mis en avant dans les 500 épisodes de « Caméra Café ». Et je pense globalement que l’on passe beaucoup trop de temps à faire des réformes de structures, à mettre en place des process infantilisants, en parlant de conduite du changement alors qu’il faudrait plutôt changer la conduite et passer plus de temps à s’occuper des interstices, des relations entre les gens dans l’entreprise. Il s’agit d’une somme de petites choses, ces « cues » en anglais, ces petits signaux qui bout à bout font que l’on se sent en sécurité et que l’on appartient bien à cette entreprise, où à cette équipe.

On croit changer les choses en changeant l’organigramme alors que certains responsables ne connaissent pas réellement ce qu’il se passe dans leur propre entreprise. François DUPUY (voir les sources) en parle dans son livre et ses conférences : Moins le sommet a d’informations, plus il lance d’initiatives en tous sens ! Dans les organisations, il serait bon d’alléger les lourdeurs administratives par de l’attention portée à l’humain comme le montre bien le schéma ci-dessous :

Crédit photographique : Robertson Hunter Stewart

Selma : Pourrais-tu nous détailler ce que tu as rencontré et comment tu l’as vécu ?

Laurent : Dans l’armée, j’ai appris une chose essentielle : « On commande les gens tels qu’ils sont et pas comme on voudrait qu’ils soient ». C’est cela faire autorité : faire grandir les gens, pas les classer, les infantiliser, les appauvrir. C’est au contraire leur rendre du pouvoir. Tout ce qui ne se fait plus derrière les beaux discours depuis plusieurs décennies de « tâcheronisation » comme l’a rappelé récemment la philosophe Fanny LEDERLIN. Or notre job de manager, c’est de jardiner les talents, tous les talents. De faire avec ce que l’on a, de veiller à contribuer à créer un environnement fécond, c’est-à-dire « safe » où l’autonomie des collaborateurs peut se déployer. Un leader doit co-créer du sens. Un manager est là pour découper les séquences ensuite et les accompagner. En tant que manager et parce que je vous demande beaucoup, j’assure le soutien. Comment puis-je vous aider en formation, en suivi, en soutien, en sécurité ? Fêter les victoires, les anniversaires dans un esprit de corps et d’équipage ? Ce sont les questions primordiales qui permettent de donner une âme à l’équipe (animer) qui fera la différence et permettra de réaliser de grandes choses.

Et ça marche.

Jean-Jacques François en parle dans son livre « Des services publics perforants : c’est possible ! » (Voir les sources) sous la méthode des 4S que j’applique tous les jours :

  • Apporter du Sens,
  • Organiser le Suivi ;
  • Assurer le Soutien
  • Favoriser les Solidarités.

Selma : Maintenant, avec ce recul, qu’est-ce qui aurait pu être fait différemment ?

Laurent : Quand on est chef, on fait beaucoup d’essais et d’erreurs. Et il faut continuer. Toujours chercher à être 1% meilleur que la veille. Être meilleur que soi la veille, que son équipe soit meilleure de 1% que la veille, que son organisation soit meilleure de 1% que la veille… Car on bout d’un an 1,01 à la puissance 365 c’est presque 38 fois meilleur. Notre rôle : être celui qui questionne l’organisation pour qu’elle soit meilleure, pas celui qui a toutes les réponses car ça finit, dans une certaine mesure, par l’appauvrir.

Selma : Si tu avais un conseil à donner à nos lecteurs, qui travaillent principalement dans l’industrie, lequel serait-il en lumière de ton expérience ?

Laurent :

Quoi que l’on fasse, quoi que l’on dise, ce qui compte c’est le lien avec le N+1. Ce ne sont pas le niveau de salaire, les bénéfices, la politique de l’entreprise les éléments critiques pour construire et maintenir un espace collectif de travail performant, qui comptent le plus (même si ça compte) mais bien le manager.

Pour créer l’espace d’un travail collectif performant, ce que les meilleurs managers font, il est intéressant de se poser les 12 questions ci-dessous.

L’image est prise d’une expédition en montagne, avec des camps de base pour avancer progressivement et en sécurité.

Source: Livre « First, break all the rules ».

12 questions pour mesurer un collectif de travail performant (la force d’un service) :

Les 6 premières questions sont les plus importantes.
Si l’on peut répondre positivement à ces 12 questions, on a atteint le sommet.

Selma : Le thème de ce trimestre porte sur les « paradoxes managériaux », souhaiterais-tu partager quelque chose ?

Je voudrais le voir sous l’angle du cadre nécessaire et des libertés, elles aussi essentielles. Comment faire cohabiter les deux ? Selon moi, pour être libre, il faut un cadre, il faut arriver à concilier les deux. Si j’apprécie le concept des entreprises libérées, dont la pérennité réelle reste à prouver, je préfère celui de libéralisation (autonomisation, responsabilité, subsidiarité…) avec un cadre bien défini pour pouvoir se sentir le plus libre possible dedans. Une fois présent, on peut l’oublier. Le cadre peut tout simplement être représenté par le tableau de bord suivi par le dirigeant et les métarègles les plus importantes et partagées par tous de l’entreprise.
Simon SINEK parle du cadre de la protection : D’abord protéger vos collaborateurs pour qu’ils puissent déployer leur liberté. Se sentir en sécurité pour mieux déployer son autonomie.

Le cadre pour le dirigeant c’est comme un viseur. On reste ensuite libre car il y a une cohérence, de l’exemplarité et de la persistance dans la durée. Cela permet aussi de libérer de la charge mentale. On trouve de nouvelles idées collectivement (liberté) puis on tient cette ligne de conduite (cadre).

Le modèle que je présente en conférence propose un cadre justement :

Ces 4 quadrants offrent un modèle à la fois stable et dynamique (en fonction des coups de collier à donner) :

  1. Donner (et coconstruire) du sens : le CVO (Chief Vision Officer) – Elément air, les idées.
  2. Organiser le suivi : le CEO ou COO (Chief Executive Officer) – Elément feu, les résultats
  3. Assurer le soutien (car on demande beaucoup) : le CVO (Chief Supportive Officer) ou Leader serviteur – Elément Terre, le soutien
  4. Favoriser les solidarités : CHO (Chief Happiness Officer) – Elément eau, circulation des informations, des personnes

Si ces 4 éléments sont présents et équilibrés, il se passe la magie du 5ème élément : « le flow ».

J’ai beaucoup de liberté car je m’applique ces mêmes outils/règles à moi-même également et pas uniquement pour mes collaborateurs.

Tout comme vous êtes à l’écoute des besoins de vos clients externes, n’oubliez pas d’écouter ceux de vos clients internes, vos collaborateurs ! Et les vôtres. C’est cela l’art de (se) diriger.

Selma : Merci Laurent pour ces échanges et bonne continuation à toi, à travers tes divers projets.

Pour aller plus loin / liens / sources d’inspiration et lectures :

  • François DUPUY : « La faillite de la pensée managériale » publié aux éditions du Seuil
  • Jean-Jacques François : « Des services publics performants : c’est possible ! » aux éditions First Editions
  • Maya BEAUVALLET : « Les Stratégies absurdes. Comment faire pire en croyant faire mieux » aux Éditions du Seuil. Cet ouvrage tend à analyser les effets des méthodes de management, s’appuyant sur des indicateurs de performance et des dispositifs incitatifs dans les organisations.
  • Don CLIFTON : « First, break all the rules – What the world’ greatest managers do differently »
  • Laurent PELLEGRIN : « L’art de (se) diriger » : https://www.coollibri.com/bibliotheque-en-ligne/laurent-pellegrin

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A propos de Laurent Pellegrin

Laurent est directeur France d’IDEMIA PSI, le leader mondial de la biométrie.

Saint-cyrien, passé par l’ENA, ayant été plusieurs fois sous-préfet et chef d’entreprise.

Il enseigne aussi le leadership et l’art de diriger notamment aux officiers supérieurs de la gendarmerie et du ministère des armées.

Selma BENHAMOU : consultante et formatrice en Qualité, Sécurité et Environnement et en certification de produits.

Après plusieurs années de travail en industrie dans les domaines QSE et certification, un licenciement économique m’a permis de me lancer à mon compte pour accompagner les petites et moyennes entreprises du tissu économique locale à se mettre en conformité mais surtout à y trouver un intérêt pas uniquement financier mais aussi humain, social et sociétal.

J’accompagne et je forme aujourd’hui dans ces domaines qui me tiennent à cœur avec écoute et bienveillance.

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